Nitt en France
Retour en france avec Naik:
-Hasard ou volonté, comment es-tu devenue prof.
de FLE?
Les deux! Je voulais devenir orthophoniste et en attendant de réussir à entrer
dans une école, j'ai entendu parler de la fac de sciences du langage, un
domaine qui m'a tout de suite intéressée car je me suis toujours bien entendue
avec les langues. J'ai donc débuté mes études et continué à passer des
concours, jusqu'au jour où j'ai commencé à réfléchir sérieusement à une autre
possibilité à cause de l'investissement que représentaient les-dits concours. J'ai
pensé aux métiers de l'enseignement, cependant je ne me voyais pas enseigner
une autre langue que la mienne puisque je ne me sentais pas compétente sur
l'anglais ou l'italien, que j'avais appris. Puis lors des pré-inscriptions en
licence, j'ai entendu parler du FLE. Ayant loupé ma deuxième année de DEUG
parce que j'avais placé mes amis avant les études, j'ai eu une bonne année de
réflexion, et j'ai plongé. Depuis, c'est une passion, j'ai fait un mastère de
didactique du FLE et chaque cours est un régal.
-Ou enseignes-tu actuellement et quel est ton public ?
Je suis bénévole dans une école en banlieue parisienne (Seine Saint Denis), où
je donne des cours de soutien de français avec les méthodes FLE/FLS ; je
m'occupe d'une poignée d'élèves de troisième qui ont besoin de remonter leur
niveau en français, à raison de 2h30 par semaine. Ca remplit un peu mon emploi
du temps - et mon CV - de prof à la recherche d'un emploi et ça entretient la
flamme. Et puis je donne des cours particuliers de FLE à une Japonaise qui a
épousé un Français. Après plusieurs mois sur la phonétique et un peu de
culturel, je vais aborder des aspects plus littéraires pour lui permettre
d'appréhender la culture sous-jacente de notre pays, ce qui fait notre mode de
pensée.
-Comment s'est passé ton installation dans ton pays actuel ?
Joker! Je suis revenue en France il y a 3 mois après 3 mois dans une famille
américaine, à Long Island, à qui j'enseignais le français. L'installation n'a
pas été compliquée alors, puisqu'il y avait une chambre pour moi dans la maison
et que je faisais partie de la famille... N'ayant fait aucun autre voyage en
tant que prof, je ne peux rien dire de plus. Mais ça viendra!
-Avantages et inconvénients, c'est comment être prof. de Fle ?
Passionnant, fatigant, frustrant parfois, mais ça ça dépend généralement des
collègues qui peuvent manquer de pédagogie ou des demandes des supérieurs sur
lesquelles on coince un peu, et si les cours sont bien organisés je ne vois pas
de gros soucis.
J'ai choisi ce métier pour plusieurs raisons : je voulais échapper au public
d'enfants ou d'adolescents qui ne viennent en classe que par obligation, donc
je souhaitais travailler avec des adultes, et des gens motivés. Le FLE se fait
généralement avec des gens qui ont envie d'apprendre le français, c'est très
souvent un choix venant d'eux, il y a donc une part du travail de prof
traditionnel qui s'efface. L'autre avantage des adultes est qu'ils ont une
histoire, et si on enseigne en France on a toutes les chances d'avoir une classe
internationale avec une richesse culturelle et humaine extraordinaire. Je
voyage autant en prenant l'avion qu'en discutant avec mes apprenants et en les
faisant parler d'eux, de leurs pays et de leur histoire. C'est ce que je
préfère dans ce métier. L'autre raison qui m'a fait choisir le FLE est la
possibilité de bouger partout dans le monde. Je raffole des voyages et j'ai
pris la manie de tomber amoureuse de tous les pays que je visite... Par
conséquent profiter de ce métier pour découvrir le monde d'abord en me
déplaçant, puis dans quelques années en me fixant sur la France, voire en
travaillant aussi un peu au Japon, si j'en trouve le moyen, et voyager par mes
apprenants, sera un grand bonheur.
Pour y arriver, il me faut d'abord un emploi, et c'est là que ça coince dans ce
métier : les conditions d'embauche sont monstrueuses. Plus que partout ailleurs
on vous demande une expérience que les jeunes diplômés n'ont pas toujours,
malgré eux, et certains amis de la fac ont carrément changé d'orientation parce
qu'ils ne trouvaient pas de place comme professeur "débutant". Ca me
scandalise parce que j'ai l'impression qu'on prend les jeunes, qui sont plein
d'énergie, prêts à donner énormément de leur personne pour travailler, pour des
incompétents à écarter à tous prix. J'ai certes vu des catastrophes chez des
nouveaux enseignants, et ce rien que pendant 5 mois de stage, mais il y a aussi
des bons, et exiger 12 ans d'expérience pour engager un prof sur 3 mois (si si,
je l'ai vu!) c'est pas le meilleur moyen de nous stimuler pour continuer dans
ce milieu. A mon arrivée à l'ANPE il y a bientôt un an, j'ai rencontré pas mal
de profs de FLE, et les employés de l'agence pour l'emploi nous ont bien dit
qu'ils avaient l'habitude de nous recenoir, à cause des petits contrats que
nous décrochons généralement et qui font de nous une espèce
d'"intermittents de la formation".
Je ne comprends pas comment notre pays qui est si fier de son rayonnement
culturel peut ainsi maltraiter ses profs à l'intérieur de nos frontières en laissant
se généraliser les cours d'appoint avec des bénévoles pas formés, dans des
associations qui n'ont pas les moyens de faire autrement, et diminuer les
subventions à l'étranger pour les alliances françaises. Le résultat est que
seuls les stagiaires ou les gens sans aucune formation sont pris, et que les
professeurs qui débarquent sur le marché triment pour décrocher un contrat.
Bien sûr il y a les contrats locaux, et si on est plus candidat au dépaysement
qu'à l'enrichissement (au sens pécuniaire) et à partir d'un an d'expérience et
deux ou trois lettres de recommandation, ça a l'air de rouler.
Je suis de ceux qui attendent de réunir ces conditions pour réaliser pleinement
leur rêve d'enseignant...
-Une anecdote de classe à partager?
Je débute encore, mais je me souviendrai toujours d'un analphabête qu'on avait
parachuté dans ma classe de FLE niveau 1 et à qui j'essayais désespérément
d'apprendre à lire tandis que les 9 autres apprenaient le français. Nous avons
fait un jour un cours sur la cuisine, et parlions de gousses d'ail. Et mon
Malien analphabête nous a sorti : "et en anglais, c'est good night!".
Ca a été un fou-rire mémorable.
Il y a eu aussi la foi où pour faire comprendre à un apprenant ce que signifait
draguer, et parce que ça ne rentrait pas avec des mots... je l'ai dragué. Là
aussi on a bien ri. C'était un rire nécessaire d'ailleurs, pour bien montrer
qu'il n'y avait rien de sérieux et que le cours pouvait continuer.
-Te sers-tu de ton blog, ou d'autres blogs, de façon professionnelle (en
classe, pour communiquer avec tes élèves, etc.) ?
Pour tout dire j'ai trois blogs : un où je raconte ma vie, et où parfois je me
défoule un peu ou narre mes anecdotes de classe, c'est mon espace d'expression.
Par conséquent je fais généralement en sorte que tout le monde n'ait pas cette
adresse : si j'ai envie de m'énerver très fort sur quelque chose qui s'est mal
passé au boulot, j'ai pas envie que le lendemain on vienne le dire "alors
comme ça je suis un prof/apprenant/stagiaire/etc. difficile à supporter?".
C'est pas le but!
Le deuxième est un blog de dessin/bande dessinée, que je délaisse en ce moment
par manque d'inspiration, rien à voir avec le travail, mais j'ai donné
l'adresse à mes deux jeunes Américaines de 11 et 9 ans, qui ont presque le
niveau pour comprendre, en me disant que puisqu'elles aiment, ça les
stimuleraient pour continuer le français à la maison.
Le troisième est mon blog professionnel. J'y mets mes fiches de cours, mes
exercices et mes meilleurs dossiers d'étudiante. Je l'alimente peu mais j'ai
parfois de bons retours sur les contenus.
Je n'ai encore jamais utilisé de blog spécialement pour un cours de FLE, mais
je garde cette idée dans un coin de ma tête, puisque j'ai vu faire par une amie
en FLE et que ça semblait bien fonctionner, et que certains profs à
l'université y avaient recours. Ca peut être très pratique comme support.
-La France te manque ? Penses-tu exercer la même profession en France ?)je
crois que tu es de retour en France donc tu peux nous parler de la facon dont
s'est passé ton retour.
En trois mois à Long Island, la France ne m'a manqué que culinairement et parce
que certains de mes amis y vivent. Communiquer avec eux malgré le décalage
horaire était compliqué et parfois je me sentais un peu toute seule... Mais comme
je l'ai dit j'aime voyager, et mon séjour a été extraordinaire. Il y a eu
quelques petites choses qui nerveusement n'étaient pas toujours évidentes :
être dans une famille et non chez soi demande de gérer des emplois du temps et
de dépendre toujours de l'autre, jouer avec des enfants quand on a 25 ans peut
être agréable un temps mais il vient un moment où on aspire à autre chose. Au
bout de 90 jours je me retrouvais mélancolique devant un film avec des paysages
parisiens et j'ai été heureuse de rentrer : retrouver ma famille et passer les
fêtes avec eux fut une grande joie. Mais j'ai mis un mois et demi à arrêter de
pleurer sur New York, où je me rendais régulièrement, et qui me manque
énormément.
J'ai repris mes habitudes d'avant le départ, en mieux puisque maintenant j'ai
droit au RMI (youpiiie!) donc un peu plus d'autonomie financière, ce qui fait
beaucoup de bien au moral, et je reprends le japonais, attends que les finances
remontent pour commencer des cours de conduite, redonne des cours, donc je suis
bien occupée et finalement assez contente d'être revenue.
-Où souhaiterais-tu enseigner dans le futur ?
N'importe quel pays dont je parle la langue, et surtout le Japon. Ce pays est
splendide et je veux y vivre pendant un an au moins pour le découvrir de
l'intérieur. Voilà pourquoi j'apprends le japonais, pour trouver plus
facilement un travail là-bas. Mais avant ou après, j'aimerais profiter des
opportunités de voyage offertes par le métier de prof de FLE.
-Où et comment trouves-tu du travail (internet, collègues, etc.) ?
Eh bien je cherche sur
fdlm.org et sur fle.fr, qui sont incontournables, mais ce qui a marché le mieux jusqu'ici, ce sont
les relations : j'ai trouvé mon stage grâce à une collègue de fac qui ne
voulait pas d'un poste qu'on lui offrait, elle m'a refilé le bébé. Mon
apprenante japonaise m'a été présentée par la mère de ma meilleure amie, qui
est japonaise aussi, et mon bénévolat en banlieue est parti d'une rencontre
avec l'amie d'un ami, prof dans cette école.
Comme quoi...
MERCI Naik!
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