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Français autour du monde
22 février 2009

Armel, Chine

Armel nous présente son travail en Chine, à Qingdao

-Hasard ou volonté, comment es-tu devenue prof. de FLE?

Plutôt volonté. J'ai commencé mes études universitaires par une licence de japonais (puisque j'étais passionnée depuis le lycée par cette langue et que j'ai fait un séjour de 5 semaines au Japon lorsque j'étais en 1ère et c'est à ce moment-là que je suis définitivement tombée amoureuse du pays). Au début, j'étais plus partie sur la piste du commerce intenational mais j'avoue que c'était plus pour faire plaisir à mes parents que par goût. Je ne savais pas encore ce que je voulais vraiment faire avec mon japonais mais certainement pas travailler dans la traduction ou le commerce. En deuxième année, comme j'avais un peu de temps libre, j'ai décidé de trouver une activité qui me donnerait le sentiment d'être utile et j'ai trouvé une association franco-chinoise qui avait besoin de bénévoles pour enseigner le français à des immigrés chinois. A l'époque, j'ignorais tout du FLE et de l'enseignement; j'ai fait du mieux que j'ai pu mais l'association n'offrait ni formation ni rien; donc j'ai sûrement fait plein de bêtises. Cependant, j'ai adoré cette expérience; j'ai découvert que l'enseignement pourrrait bien devenir ma vocation. En troisième année, en plus du japonais, j'ai donc choisi de faire la mention FLE. Après la licence, j'ai hésité : soit continuer en japonais pour faire prof de japonais en France (sachant que les postes sont assez limités et que je n'avais pas envie de me casser la tête à faire une agrégation comme m'y incitait une de mes profs) ou poursuivre dans le FLE. Après avoir échoué pour obtenir une bourse d'études de maîtrise au Japon; je me suis alors tournée définitivement vers le FLE. J'ai fait mon master à Paris 4 (je sais qu'à l'étranger et notamment en Asie, le nom la Sorbonne sonne bien; c'est la seule raison qui m'a poussée à faire mon master là-bas car les cours n'y sont pas très intéressants). Et voilà, mon master terminé j'ai trouvé un poste en Chine

-enseignes-tu actuellement et quel est ton public ?

Aussitôt mes études finies, j'ai donc trouvé un poste de lectrice dans une université chinoise à Qingdao dans la province du Shandong. Le français est la spécialité de mes étudiants. J'enseigne 12h par semaine : cours d'audiovisuel (2ème et 3ème année), cours d'expression écrite (3ème année); de civilisation (3ème année), de presse (2ème année), d'oral (1ère année); de français commercial (3ème année, au second semestre uniquement). L'année dernière, j'avais des cours avec les 4ème année mais cette année, il n'y a pas de 4ème année (c'est une longue histoire, mais il y a une année où l'université n'a pas recruté d'étudiants). Je donne également quelques cours dans une école primaire mais seulement deux heures par semaine.

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-Comment s'est passe ton installation dans ton pays actuel ?

Aucun problème. Mais, moi, je m'adapte très facilement à toutes les situations, toutes les personnes, tous les pays (même si parfois je râle, par exemple, sur mon blog!). Je n'ai aucun problème de mal du pays ou ce genre de choses. En plus, l'université s'est occupée de régler toutes les questions matérielles : la transformation du visa en permis de résidence, ils m'ont fourni un logement sur le campus, etc... D'autre part, au moindre problème ou à la moindre question, je sais que je peux m'adresser à mes collègues ou à mes étudiants qui se font un plaisir de me rendre service. Mes étudiants sont devenus un peu ma famille !

-Avantages et inconvénients, c'est comment être prof. de Fle ?

Sachant que mis à part mes stages, je n'ai jusqu'à maintenant enseigné qu'en Chine, je crois qu'il m'est difficile de répondre à la question de façon complète.

Les inconvénients :

- c'est d'abord la précarité : des contrats de moins d'un an (renouvelables parfois) mais qui obligent tout le temps à convaincre les autres de nous reprendre ou à chercher autre chose;

- le problème des conditions matérielles : le salaire dépend évidemment du pays et de l'institution où l'on travaille. Pour ma part, je gagne 3600 yuans par mois pour 12h d'enseignement à l'université. Ca fait dans les 350€ mais je vis très bien avec en Chine d'autant que je n'ai aucun frais en-dehors de mes repas.

- Cependant, l'autre inconvénient, c'est qu'étant en contrat local, je ne bénéficie plus ni de la sécu, ni des cotisations pour la retraite, le chômage, bref, d'aucune protection sociale française. Il existe des organismes comme la CFE mais vu mon salaire; même en mettant de l'argent de côté et même en me situant dans la tranche la plus basse, je suis incapable de financer les cotisations.

- Mis à part ces problèmes matériels, il existe aussi la question du statut du prof de fle : je parle ici du cas précis des universités chinoises. Le lecteur de français assume en fait le vrai rôle d'un prof mais pour autant son travail n'est pas vraiment reconnu. Combien de fois me suis-je entendu dire (mais c'est le cas pour d'autres profs dans d'autres universités); tu fais ce que tu veux comme tu veux. Pas de réunions pédagogiques, pas de formations, pas d'objectifs, pas de supervision, pas de retour. D'autre part, les examens à l'université en Chine, c'est du grand n'importe quoi et c'est plutôt la grande rigolade; donc je pourrais effectivement faire n'importe quoi en cours si je n'avais pas de conscience professionnelle.

- j'ajouterais une dernière remarque sur le statut : les instituts et autres écoles sont de plus en plus exigeants et demandent maintenant très souvent un master de FLE, mais en Chine, j'ai rencontré quand même plusieurs profs qui n'avaient aucune formation en FLE. Cette situation joue en défaveur de notre reconnaissance : combien de fois ai-je senti une certaine ironie ou, en tout cas, senti que mon interlocuteur restait dubitatif devant mon métier avec ces idées sous-jacentes :"Quoi, tu es prof ? Tu t'amuses bien là-bas ? C'est plutôt une année sabatique, non ? Après tout, il suffit d'être français pour enseigner aux étrangers ?..." Moi, je suis pour le CAPES de fle, pas à cause du problème du salaire ou de la précarité, mais pour que la France nous reconnaisse comme des profs à part entière. Prof de fle, c'est un VRAI métier !

Les avantages :

- vivre l'interculturalité au quotidien, quoi de plus passionnant ? J'en apprends tous les jours sur la langue et la culture chinoise à travers mes voyages en Chine, mes discussions avec mes étudiants, ma vie quotidienne. Ce qui me paraît banal en France : faire les courses, les magasins, me promener,... devient une source de plaisir et de découverte continuelle quand on vit à l'étranger. Tout est semblable mais rien n'est pareil, en réalité, et votre vie devient passionnante.

- avoir la chance de combiner le travail et le voyage car, dans la semaine, on travaille et, pendant les vacances ou les week-ends, on peut en profiter pour partir à l'aventure et à la découverte du pays dans lequel nous vivons

- faire de nouvelles connaissances et créer des liens puisqu'étant à l'étranger, il me semble qu'on rechercher assez spontanément à se lier aux autres - surtout si l'on débarque seul dans le pays, c'est-à-dire si on n'a pas de conjoint ou de compagnon - (bien que personnellement, j'ai tendance à fuir la communauté française car l'état d'esprit des expatriés m'énerve profondément et surtout le fait de mépriser le pays qu'ils "exploitent". J'ai rencontré plusieurs chefs d'entreprises à Qingdao qui vivent comme des rois (en Chine en tout cas) avec super appart, super voiture, et tout et tout, mais qui ne cessent de critiquer les Chinois, la Chine (moi aussi je le fais, mais je me sens plus autorisée à le faire car,moi, je ne les domine pas,je travaille avec un salaire chinois) et qui font tout pour essayer de recréer une atmosphère à la française (ils mangent français, sortent dans les bars français avec des Français....). A quoi bon vivre à l'étranger dans ce cas ? Serait-ce qu'ils n'auraient jamais pu percer en France? Tant pis si je généralise injustement mais j'ai vraiment des sentiments très peu tendres pour ces expatriés et je ne pense pas qu'il s'agisse de jalousie car je n'échangerais pas ma place contre la leur !)

- pour ceux qui aiment les langues étrangères, c'est l'occasion de s'y mettre si on a le temps et/ou le courage

- mieux comprendre son pays et sa langue : grâce aux nombreuses questions - souvent inattendues - de mes étudiants, je suis amenée à réfléchir sur ma propre langue et culture et c'est aussi quelque chose de passionnant

- avoir des étudiants motivés : le plus souvent, en Fle, ce sont quand même des étudiants qui choisissent volontairement d'apprendre le fle (soir par goût pour la langue/culture; soit pour aller travailler en France). Peut-être que d'autres profs ne seront pas d'accord avec moi. Il est vrai que je ne suis encore qu'une jeune prof mais jusqu'à maintenant lors de mes stages ou dans mon poste actuel, j'ai toujours eu à faire à des apprenants désireux d'apprendre (à quelques exceptions près).

- tout simplement, le plaisir d'échanger : en discutant avec les autres étrangers sur nos expériences, nos vies, notre travail; en discutant avec mes collègues et étudiants sur la Chine et la culture chinoise;...j'ai l'impression de connaître un peu mieux la Chine et le monde. Et si je vais dans un autre pays, je pourrai continuer à m'ouvrir l'esprit de plus en plus

- bizarrement, je ne parviens pas à trouver d'autres avantages car je crois que le simple fait d'exercer ce métier que j'aime me rend tout simplement heureuse

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-Une anecdote de classe à partager?

Là, je sèche. Il y a beaucoup de complicité entre mes étudiants et on a souvent des fous rires en classe mais, là, tout de suite, je n'ai pas de souvenir précis qui me revienne.

-Te sers-tu de ton blog, ou d'autres blogs, de façon professionnelle (en classe, pour communiquer avec tes élèves, etc.) ?

Je n'ai pas donné l'adresse de mon blog à mes étudiants car je parle un peu d'eux, je parle parfois de leurs problèmes ou de leurs erreurs; et j'ai peur que cela puisse en vexer certains même si je ne le fais pas pour me moquer d'eux.

J'avais commencé un blog à destination de mes étudiants l'année dernière (où je mettais des docs complémentaires par rapport à ce que nous avions étudié en cours) mais over-blog a été censuré en Chine deux ou trois mois après; alors j'ai cessé et je n'ai pas eu le courage d'en refaire un autre car cela prend un temps énorme. Mais l'idée me séduit toujours et j'espère bien avoir le courage à la rentrée prochaine - où que je sois - d'en créer un.

-La France te manque ? Penses-tu exercer la même profession en France ?

La France ne me manque pas, je ne me sens absolument pas nostalgique et j'ai jamais souffert du mal du pays depuis un an et demi que je suis en Chine. Je n'ai aucune intention de revenir en France dans les années qui viennent car même si j'enseignais à des étrangers, je retrouverais dans ma vie banale d'avant et j'ai trop soif d'expériences, d'aventures et de découverte pour retomber dans la routine. Prof de fle oui mais uniquement à l'étranger, en ce qui me concerne.

-comptes-tu enseigner dans le futur ?

Le Japon puisque j'ai toujours rêvé d'habiter là-bas et que j'ai appris la langue. Sinon, je suis passionnée par l'Extrême-Orient donc ça pourrait être une autre ville en Chine ou la Corée (où j'ai fait un stage de deux mois) et l'Asie en général (Malaisie, Viet-Nam, Cambogde, Inde,...).

-et comment trouves-tu du travail (internet, collègues, etc.) ?

Pour l'instant, je n'ai cherché  du travail qu'une fois - à la fin de mon master. J'ai utilisé internet (www.fle.fr) et trouvé très facilement un poste en Chine (j'avais le choix puisque ma candidature était acceptée dans deux universités).

J'ai peu de relations dans le domaine et on m'a dit qu'il me fallait absolument créer plus de liens avec les autres profs car ça marche pas mal par relations ou bouche-à-oreilledans le domaine, mais  j'avoue que je me suis faite beaucoup plus d'amis chinois que d'amis français, par exemple, en Chine parce que ça m'intéresse plus d'échanger avec les gens du pays que mes compatriotes. Mais, il est certain que si je veux poursuivre dans le FLE, il faudra que je m'efforce de créer et/ou d'entretenir des liens avec d'autres profs.

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